Se projeter dans le futur et imaginer une vie remplie de bonnes choses et quelque chose de tout à fait naturel. Cette projection peut même nous donner une
orientation. Par exemple, imaginer son futur entouré d’enfants dans une belle maison en train de jouer peut signifier que la valeur famille est importante pour cette personne ; il est bien
évidement légitime d’encourager cette personne à aller dans le sens de ce projet de vie.
Mais il arrive que certaines personnes insatisfaites de leur vie se projettent uniquement dans un futur heureux se coupant alors de saisir dans le moment présent
des moments de joie.
J’ai rencontré beaucoup de patientes en surpoids vivant toujours dans l’espoir de mincir ; perte de poids sésame d’une vie heureuse. Une patiente que je
nommerai Annie m’a confié récemment « lorsque je serais mince je pourrai enfin prendre soin de moi, m’habiller élégamment, sortir, voir du monde et peut être rencontré
quelqu’un ».
En étant toujours dans le futur cette patiente se coupe d’une vie pleine de sens. En phase euphorique cette patiente investie toute son énergie dans le contrôle du
poids (régime restrictif, sport à outrance…) ; cet hyper contrôle l’a coupe alors de ses amis, lui pompe toute son énergie…aggravant son sentiment de mal-être.
L’accumulation de ce sentiment de lutte induit rapidement (au bout de quelques semaines ou quelques mois) l’abandon de l’hyper contrôle ce qui laisse alors place à
une seconde phase : la phase de désespoir. Le rétablissement rapide de l’hyper contrôle apparait comme la seule option que connait Annie pour aller dans le sens d’une vie
heureuse.
Force et de constater que sa stratégie ne fonctionne pas. Cette projection permanente dans un futur mince/heureuse ne fait que l’enfoncer dans un quotidien de
douleur.
Comment aider les Annie (j’utilise le pluriel car malheureusement elles sont nombreuses) ?
Premier point, il semble important de rappeler quelque chose d’important : éprouver des émotions désagréables relatives à son apparence n’a rien d’une
anomalie. On estime que près de 75% des femmes n’apprécient pas leur corps. Normaliser cette émotion permet de mieux vivre avec ce sentiment de ne pas être dans la norme.
Second point allant dans le même sens, il est nécessaire de rappeler que 2/3 des pensées que nous avons sur nous sont négatives. Avoir des pensées du type « tu
es trop ceci » « tu n’es pas assez cela» « personne ne peut t’aimer avec tes kilos en trop » »tu n’es qu’une grosse » n’a rien d’une anomalie qu’il faut combattre.
Faire de la place à ses émotions agréables comme désagréables plutôt que vouloir les faire disparaitre est une attitude sage à encourager.
Nous pouvons également inviter Annie à réfléchir sur l’attitude qu’elle aurait avec une amie vivant la même expérience que la sienne. Il y a fort à parier qu’elle
l’inviterait à prendre soin d’elle, à s’habiller d’une manière féminine, à passer des moments agréables…Ce changement de perspective permet d’envisager sa propre situation avec un œil nouveau,
rempli de bienveillance et de compassion.
Nous pouvons aussi inviter Annie à prendre des risques allant dans le sens de son projet de vie; prendre le risque de s’habiller de manière féminine, prendre
le risque de s’organiser une sortie entre amis… je parle de prise de risque car avancer demande du courage et ne garantie pas un résultat systématique. Il faut souvent persévérer et se confronter
à l’échec pour enfin réussir. Si nous revenons au projet d’Annie de construire une relation de couple épanouissante, cette construction peut demander du temps et générera forcement un lot
d’échecs (il est rare de tomber sur la perle rare dès la première sortie). Se confronter à l’échec n’est jamais agréable mais c’est un mal nécessaire.
Enfin nous pouvons proposer à Annie de se reconnecter aux petits plaisirs simples qui peuvent se présenter dans son quotidien : le sourire d’un enfant
qui joue dans la rue, le plaisir de prendre un petit déjeuner, le plaisir d’échanger avec un ami sur la pluie et le beau temps…
La prise de conscience de ces petits bonheurs simples permet de réaliser que c’est bien ici-et-maintenant que se déroule notre existence et que c’est donc dans
l’instant présent que nous devons construire une vie pleine de sens.
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