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29 août 2008 5 29 /08 /août /2008 13:39

C’est un fait avéré : alors qu’autrefois, avoir des rondeurs, une panse large et bien remplie était un signe extérieur de richesse, c’est désormais un signe extérieur de pauvreté. Dans les pays industrialisés, plus on est pauvre, et plus on a statistiquement de chance d’être gros ou obèse. Une étude de l’INRA présentée en 2005 montre qu’on trouve en France 16% d’ouvrières obèses contre 4% de cadres ou de professions intermédiaires.
Pourquoi donc ? La réponse officielle, des pouvoirs publics, des bien-pensants, est de vilipender la junk-food, grossissante et pas assez chère ; les fruits et les légumes, dont la consommation intensive permettrait la minceur, seraient quant à eux bien trop chers. La solution consisterait donc à taxer les aliments gras et sucrés, et peut-être, pourquoi pas, avec cet argent récolté, de subventionner les fruits et les légumes. Une étude de 2001 des docteurs Delestre et Meyer, met elle aussi en évidence le lien entre obésité et pauvreté, et ces éléments de l’étude ont été souvent repris, y compris dans des rapports destinés aux pouvoirs publics. Mais on laisse de côté le principal résultat de cette étude : les femmes obèses, en précarité financière, seraient plus stressées et plus déprimées que la moyenne.

Nous savons bien, nous autres cliniciens ayant affaire à des personnes en souffrance avec leur poids et leur comportement alimentaire, combien il est fréquent qu’on mange pour minorer sa souffrance psychique. C’est même, selon nous, une cause majeure de surconsommation alimentaire dans les pays industrialisés. On se tourne alors préférentiellement vers les aliments gras et sucrés, qui permettent d’éteindre ou de diminuer les incendies de l’âme, de calmer temporairement les angoisses et la déprime, bien plus efficacement que les fruits, les légumes et les yaourts à 0% de matière grasse.
Être pauvre aujourd’hui, en Occident, provoque en soi un état de stress et de dépression. Quand on est pauvre, la vie est encore plus rude, plus compliquée, plus aléatoire que lorsqu’on dispose d’un peu plus d’argent. On est tenaillé par la peur du lendemain. Et puis, en permanence, du fait de l’omniprésence des médias, on est confronté à une richesse inouïe, comme à portée de main, mais dont on ne peut pas profiter. On se sent aussi coupable et honteux de ne pas pouvoir offrir à ses enfants la même vie, les mêmes objets que possèdent leurs petits camarades. Mais au moins, on peut leur acheter à manger des aliments consolateurs, c'est-à-dire là encore, gras et sucrés.
Il me semble aussi que les pauvres d’aujourd’hui, dès lors qu’ils sont transformés en assistés, se voient privés de leur dignité. Comment, alors, se respecter soi-même, se vouloir du bien ? Le mépris de soi, lui aussi, conduit à manger sans respect pour son corps, sans pouvoir tenir compte des messages qu’il nous adresse, c'est-à-dire des sensations alimentaires.

Manger n’est pas la seule façon de lutter contre le stress. Certes, il y a la relaxation, la psychothérapie et l’écoute du chant des baleines. Mais ces techniques sophistiquées sont réservées aux riches, ayant des stresses de luxe. Les pauvres ont quant à eux recours à des techniques plus traditionnelles, comme fumer, boire plus que de raison, faire du tapage, devenir violents avec leurs proches ou rechercher la bagarre avec des inconnus.
Mais le peuvent-ils encore ? Dans une société de plus en plus policée, où les moindres comportements déviants sont réprimés, mieux vaut se tenir à carreau et se contenter de boulotter ses friandises industrielles et ses pizzas surgelées dans son coin. Voilà qui, certes deviendra plus onéreux si on institue une taxe sur ces produits (voir à ce sujet : Où l’on reparle de la fat tax! Septembre 2007), mais qui ne justifie pas encore une action de police. Si le fait d’être pauvre augmente le niveau de stress et de malheur, si les personnes pauvres mangent essentiellement des produits gras et sucrés pour minorer ce malheur, alors même la distribution gratuite de fruits et de légumes n’y pourra rien et ressemblera à un cautère sur une jambe de bois. Le fait que les individus pauvres soient statistiquement plus souvent obèses que les personnes vivant dans de meilleures conditions est simplement un marqueur de cette pauvreté et des souffrances qu’elle occasionne.
Vouloir modifier l’alimentation des personnes aux conditions de vie précaires en leur offrant des brassées de fruits et de légumes, en leur rendant plus difficile l’accès aux produits gras et sucrés, n’est qu’une forme pernicieuse de mépris.
Aidons les personnes dans le besoin, par exemple en leur donnant du travail, en leur permettant de retrouver leur dignité, en faisant en sorte qu'elles puissent s’estimer et s’aimer. Et gageons qu’alors elles auront moins besoin de dévorer pour calmer leurs souffrances, qu'elles seront mieux à même d'être à l'écoute de leurs besoins fondamentaux.

Gérard Apfeldorfer

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commentaires

M
Waw... Ce texte a le mérite d'être franc et sans aucun doute juste. Par contre cela donne aussi l'impression que c'est peine perdue d'essayer d'inverser la tendance....<br /> <br /> Il me faudra sans doute souffler un peu après sa lecture... <br /> <br /> Je voudrais juste partager une pensée que j'ai. On voit sur les réseaux sociaux apparaître des groupes de sport dont l'accès est gratuit (surtout dans les grandes villes sans doute pour le moment). On se retrouve sur un lieu de rendez vous pour faire des exercices ensemble de manière réguliere. Trouver un groupe comme cela + faire une désintox au sucre permet des fois à apprendre à gérer ses états d'âme grâce à cette pratique sportive qui console aussi, presque comme les friandises. Mais évidemment il faut essayer pour savoir que cela marche...<br /> <br /> En tous cas merci pour cet article très intéressant et bonne continuation
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F
Ce texte est une représentation de la réalité vécue quotidiennement par des milliers de personnes dans notre pays , ne nous voilons pas la face.En tant que professionnels de santé nous nous devons d'en tenir compte lors de nos consultations.La précarité est source de maux particulièremet douloureux et le commentaire sur le paquet de cigarettes et le kilo de légumes n'a pas sa place ici !
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N
Qu'est-ce qui coûte le plus cher ? Une cartouche de cigarettes ou un kilo de légumes ? Faut peut-être pas trop déplacer le sujet !
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F
<br /> Connaitre le précarité et ses conséquences parait être une qualité importante quand on travaille dans l'alimentation. En tout cas une chose est sur, on ne réglera pas le problème de l'obésité dans<br /> les classes populaires à coup de fruits et de légumes.<br /> <br /> Quand l'esprit est en permanence "tendu"  par les petits (ou gros) soucis du quotidien (financières, liés au travail...), l'organisme a besoin d'un réconfort rapide : fumer, manger, boire de<br /> l'alcool, rouler vite en voiture... ce qui entraine une décharge puissante de dopamine, l'hormone du plaisir.<br /> <br /> En tant que pro de santé nous devons nous éfforcer de ne pas juger et de comprendre les comportements qui peuvent nous interpeller.<br /> <br /> <br /> <br />
C
absolument de ton avis! quelle foutaise cette histoire médiatisée (donc engendrant davantage de frustration) de 5 F et L par jour! reprendre tout à la source, à l'école primaire, avec une vrais éducation faite par des gens comme nous et non des pseudo dietéticiens qui n'ont pas su changer leur façon de faire et ne savent que se carapater derrière les régimes proposés engendrant de futures consultations...alors que l'apprentissage peut se faire en peu de temps et définitivement. cordialement Béa
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