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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 13:04

Voici un petit exercice sur l’image corporelle que je propose très souvent à mes patients.

Observez cette pomme et observez les pensées que votre tête génère.

pomme.jpg

Il suffit généralement de quelques secondes pour observer des pensées sur cette simple image.
Il est impossible de ne pas avoir de pensée, quoi que nous fassions notre intelligence créée des histoires. Remarquons que la pensée « je n’ai pas de pensée sur cette pomme » est elle-même une pensée observable, c'est-à-dire une histoire que la raconte la tête.

Il est important que mettre en évidence que nous vivons à chaque instant une double expérience :
-l’expérience des 5 sens : je suis capable d’observer la couleur de cette pomme, sa forme…
- et en même temps une expérience mentale : les histoires que raconte ma tête autour de cette pomme

Notre tête est ainsi faite elle a un avis sur tout, elle critique, compare, juge constamment et cela de manière indépendante de notre volonté.

Chez les personnes souffrant de leur image corporelle, on observe souvent une confusion entre l’expérience sensorielle (comme se voir dans un miroir) et l’expérience mentale associée (« je suis une grosse vache »).

Pour les personnes en souffrance avec leur apparence beaucoup d’énergie est investie pour diminuer ces pensées cela peut se traduire par plusieurs attitudes :
- l’évitement expérientiel : j’évite d’aller à la piscine pour ne pas être malaise, je décline un rencard par peut d’être rejeté,  je m’isole pour ne pas être confronté aux jugements des autres…
- la lutte : j’essaie de modifier mon apparence en espérant que les jugements cesseront
- la limitation de la vie à la lutte : au lieu d’avoir une vie qui a du sens, l’énergie est investie à contrôler.

Prenons l’exemple d’Annie. Très complexée par ses rondeurs elle enchaine les régimes dans l’espoir d’être enfin bien dans sa peau. Elle évite les sorties…et vit dans la croyance qu’elle pourra être heureuse quand son problème de poids sera résolu. Annie espère que sa tête arrêtera de la juger lorsqu’elle sera mince. Or chaque fois qu’elle a minci sa tête ne cessait pas pour autant les critiques « si tu remanges tu vas grossir », « tu as minci mais ta poitrine reste aussi moche »…

En fait les pensées que nous avons sur nous sont naturelles et bien souvent critiques. Certains chercheurs estiment que 2/3 des histoires que raconte notre tête sur nous sont des jugements négatifs. Impossible d’échapper à cela. Notre tête est ainsi faite elle aime chercher des défauts, des erreurs…
Cela explique que lorsque nous mettons nu devant un miroir pour la plupart d’entre nous nous vivons une expérience désagréable, inconfortable. Cela est naturel et n’a rien de pathologique. Cela signifie juste que la tête fait son travail.

Beaucoup de travaux sur la souffrance psychique mettent en évidence que la souffrance ne vient pas des pensées critiques mais de la volonté de  vouloir les contrôler ou les éviter.

Emettons une remarque, beaucoup de mes patients m’évoquent que si nous pouvions avoir le corps parfait la tête n’aurait plus rien à dire. Or pour revenir à notre pomme, que j’ai choisie comme étant la représentation parfaite de la beauté fruitière, au moins 70% de mes patients trouvent des défauts à cette pomme : « trop belle pour être vraie », « moi je préfère les pommes plus naturelles », « elle doit être retouchée par photoshop », « saloperie de société de consommation qui privilégie la beauté à la qualité »…
Nous pouvons imaginer que même lorsque Brad Pitt est nu devant un miroir sa tête le critique « tu étais plus séduisant avant », « à quoi vas-tu ressembler dans 10 ans », « que va-t-on penser de tes cheveux longs », « tu es juste bon à obtenir des rôles de beau garçon »…
Bref en tant qu’humain nous ne pouvons pas échapper aux jugements critiques de notre tête.

La seule alternative que nous avons est d’interagir différemment avec cette expérience mentale. Cela peut passer par la prise de conscience que cet inconfort n’est pas une anomalie qu’il faut à tout prix faire disparaitre. La prise de distance avec le langage est également intéressante ; cela consiste à observer nos pensées comme de simples pensées sans jugement. Certaines de ces pensées jouent le rôle « d’hameçons » nous entrainant vers des comportements de lutte ou d’évitement. L’observation (ou la pleine conscience pour reprendre un terme à la mode) permet d’identifier les hameçons ce qui donne la possibilité de n’a pas y mordre.
Prenons l’exemple de l’hameçon « une grosse vache comme toi n’a pas n’est pas digne d’amour » est souvent un hameçon auquel Annie mord et qui l’entraine vers des conduites de repli ou de restriction calorique. Observer que cet hameçon n’est qu’un hameçon met la distance suffisante pour être dans la capacité de faire un choix (mordre ou ne pas mordre).

En gros la démarche consiste à sortir d’un rapport de lutte contre le ressenti intérieur pour avancer vers un rapport d’accueil bienveillant de l’inconfort.

En se référant au modèle de la thérapie d’acceptation et d’engagement, l’acceptation va être au service de l’engagement  c'est-à-dire faire des choses importantes pour soi malgré l’inconfort.

Revenons à Annie, pendant qu’elle investit son énergie à contrôler son inconfort la vie passe. Une vie qu’elle met entre parenthèses en espérant un jour ne plus ressentir d’inconfort.  Une vie dans laquelle elle s’interdit de voir du monde, de construire une relation intime, d’incarner réellement sa féminité, de faire les loisirs qu’elle aimerait faire…une vraie vie quoi.

Et si Annie était la personne que vous aimiez le plus sur terre quelle regard porteriez-vous sur elle ?
                                                                                                                           

Florian SAFFER - diététicien
Thérapeute ACT (acceptance and commitment therapy)

#body acceptance #acceptation corporelle #image de soi #thérapie d'acceptation et d'engagement #tyrannie des régimes #pleine conscience

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commentaires

A
C'est tout à fait ce que j'ai vécu, je n'ai pas de problème de poids (juste pris 5 kg qui donnent parait il un poids ideal mais je les vis mal car ne me reconnais plus j'étais habituée à etre un peu maigre et androgyne et ce corps que je trouve trop féminin me gene), mais je me reconnais tout à fait dans cette descriptions, que de fois me suis interdit de vivre à cause de mon apparence (en plus il semble que j'aie souffert de dysmorphophobie suite à des moqueries en classe précisément à une époque de changements - déménagement, arrivee d'une petite soeur, début de puberté, lunettes, appareil, scoliose, qui m'ont beaucoup déstabilisée d'autant que je ne sentais pas la bienvenue chez moi toujours engueulée à tout propos) que j'ai toujours jugée "mal dégrossie" en focalisant sur des défauts tels mon menton fuyant alors que j'entendais sans cesse dire que j'tais intelligente et talentueuse (d'une certaine façon ça aggravait car les clichés de la jolie stupide et de l'intelligente moche prévalaient encore à l'(époque en tout acs dans mon entourage et on m'a servi tous les euphémismes (la personnalité, etc) qu'on sert aux filles qui ont un physique ingrat donc je me suis crue laide alors que je ne l'étais pas. Par la suite j'ai enchaîné fugues, troubles du comportement, problemes relationnels boulimie, comportements à risques et totalement échoué sur le plan profesionnel et social malgré un QI élevé et des dons artistiques, du moins jusqu'à ce jour Et j'ai à peine eu tardivement le temps de voir le jour et vivre normalement en me sentant ou croyant très bien de ma personne (et pas pour draguer ou faire les boutiques plus que ça, juste faire ce que les autres font en termes d'activités et oser voir du monde) que j'entre dans un age à propos duquel tout s'accrode de partout à dire que c'est l'entrée dans al vieillsse, veillir sans avoir vécu comme une jeune (lentree dans la vie active dans les conditions qui ont été les miennes a coupé court à tout plaisir et toute distraction de mon age) à part 3 ans de conneries est quelque chose d'intolerable et physiquement n'ayant pas eu le temps de me sentir jolie je le vis très mal même si mon entourage me trouve jolie justement (et me croit beaucoup plus jeune). Donc du coup je ne sais plus vraiment ce que je n'accepte plus mais depuis cette "vieillerie" je me déteste et réagis en voulant etre le plus maigre possible. ( à 30 ans j'étais maigre d'ailleurs, stress, deprime, nevroses et nicotine, mon poids actuel est 8 de plus mais normal taille 38 très bon imc) J'ai plus ou moins conscience que c'est une forme de revolte et d'autopunition puisque je ne peux pas m'en prendre à la nature de me faire ça, de nous jouer ce sale tour de viellir. Mais c'est la meme problématique que pour celles qui ne se supportent pas par rapport çà leur poids à la perspective de me considerer vieillissant avec bienveillance me donne envie de tout casser (c(est uen image). J'arrive quand meme à la canaliser en faisant attention à ce que je mange, en buvant très ocacsionenllement et en me defoulant dans l'activité physique, 10 mn de gym par jour c'est ennuyeux mais ça m'aide par els resultats visibles. Javoeu n'avoir aucune envie poue le moment de me consacret à la spiritualité ou quoi que ce soit car j'ai la très nette impression, à la difference du libre choix d'un adulte d e tout age, que c'est TOUT ce qu'on laisse aux gens qui vieillissent (autant dire que le truc de s'imaginer grand mère pur la dame qui veut maigrir dans un autre article n'aurait pas fonctionné sur moi car l'mage que je veux laisser est celel de quelqu'un qui ne s'est aps laissé faire et n'a pas plié consentant. (La notiond enon-consentement est primordiale pour moi, peut etre que l'explication est dans une "agression" dans mon passé peut etre pas mais c'est un fondement de mon identité au meme titre que de me reconnaitre encore dans la glace, meme en plus vieux, tant que je me ressemble j'existe encore). Quoiqu'il en soit votre blog est très utile même si je suis loin de ressentir els choses comme vous car il permet de réfléchir et comprendre beaucoup de choses sur soi ce qui rendra l'acceptation plus facile ou pus exactement permet de se pardonner d'etre soi.
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F
<br /> bonjour,<br /> <br /> <br /> votre témoignage me touche. Je sens que la souffrance est très présente et que toutes ces pensées autour de votre corps vous pourrissent la vie. Je compatie à cette douleur. Avez-vous de l'aide?<br /> ami, famille, thérapeute...?<br />
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T
<br /> Mon corps est inutile, ma vie sur terre est inutile. Il doit disparaitre!!!!!!!pourquoi est-il aussi gros, pourquoi est ce que je n'arrive pas à l'anéanti, à le vider ocmplètement?dites moi<br /> comment le vider ce corps pour qu'il ne soit plus? qu'il ne pèse plus sur la planète<br />
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